Commentaires de l’ASIC sur le rapport du CSPLA sur la révision de la Directive 2001/29 sur les droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information

L’ASIC est la première organisation française à réunir les acteurs du web communautaire et vise à promouvoir le développement du « nouvel internet ». Elle a été fondée en décembre 2007 par AOL, Dailymotion, Google, PriceMinister et Yahoo! qui ont été rejoints depuis notamment par blogSpirit, Deezer, Ebay, Exalead, Facebook, Microsoft, Skype, Skyrock, Spotify ou Wikimedia.

La diversité de ses membres marque la volonté d’accueillir au sein de l’ASIC des acteurs de l’internet communautaire, français ou étrangers, « petits » ou « gros », mais qui tous cherchent à développer l’internet en s’appuyant sur l’ensemble de ses utilisateurs.

Les nouveaux usages posent en effet un certain nombre de questions légitimes concernant notamment la compétitivité de l’industrie culturelle française, le développement de la création et la lutte contre la contrefaçon, questions auxquelles les acteurs que nous sommes doivent apporter des réponses concrètes et efficaces.

Au cours de ces dernières années, notre association et ses membres ont été auditionnés et ont participé aux très nombreux travaux lancés par le Ministère de la Culture et de la Communication ou le CSPLA. Outre les récents travaux menés par Pierre LESCURE et Mireille IMBERT-QUARETTA, l’ASIC a soutenu activement l’élaboration d’une charte entre les plateformes de vidéos et les industries culturelles, charte qui n’a jamais pu être menée à son terme malgré les dizaines d’engagements pris par les acteurs du numérique en contrepartie du seul engagement mis à la charge des ayant droits, celui de se servir des outils mis à leur disposition.

Après une lecture attentive du rapport du CSPLA, l’ASIC n’a pas souhaité faire de commentaires précis tant ce rapport reflète la volonté de remettre en cause plusieurs des règles fondamentales, adoptées voici plus d’une dizaine d’années, et qui ont permis et permettre encore le développement de l’économie numérique.

L’ASIC s’étonne ainsi d’une nouvelle – et énième – remise en cause du statut de l’hébergeur et du régime de responsabilité aménagé dont ces acteurs peuvent bénéficier. Cette remise en cause est d’autant plus étonnante qu’à plusieurs reprises, la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ont confirmé son application aux acteurs des services communautaires.

Ainsi, et au regard des enjeux soulevés par le présent quant au devenir de l’économie numérique et vu que le Gouvernement souhaite faire du présent rapport une clé de voute de la position française lors des prochaines négociations qui s’ouvrent à Bruxelles, l’ASIC souhaite qu’une meilleure information soit apportée.

En effet, dans le souci d’une plus grande transparence, utile au regard des enjeux posés, l’ASIC souhaite que des précisions soient apportées quant aux liens, notamment financiers, qui pourraient exister entre le ou les auteurs des rapports et les divers secteurs industriels impliqués dans ces discussions. Cette transparence permettrait ainsi d’informer, au mieux, les diverses autorités communautaires qui seront amenés à en analyser le contenu.

Cela est d’autant plus nécessaire que cette nouvelle attaque contre le régime de responsabilité des intermédiaires de l’internet n’est pas neutre. Sous le respectable argument de la volonté partagée de lutte contre le piratage des oeuvres, la fin du régime de responsabilité aménagée aurait des effets collatéraux qui systématiquement sont ignorés.

Reconnaître une responsabilité a priori pour tous les contenus hébergés par des services communautaires de vidéos, de blogs, d’encyclopédie en ligne, etc. c’est imposer à ces acteurs soient d’avoir un contrôle a priori des contenus, soit de ne plus permettre aux internautes et individus d’être à l’origine de la diffusion des oeuvres.

Car – et le silence du rapport est éloquent sur ce point, le régime de responsabilité aménagée au profit des intermédiaires de l’internet ne se limite pas aux seules questions d’atteintes à des droits de propriété intellectuelle.

La Directive 2000/31/CE qui l’a mis en place s’appelle d’ailleurs fort à propos “commerce électronique” et non “propriété intellectuelle”. Et sa transposition en droit français se dénomme, a-t-on besoin de le rappeler – “loi pour la confiance dans la l‘économie numérique”. Or c’est la défiance absolue envers cette économie que prêche le rapport soumis au CSPLA.

Ce régime tend à s’appliquer dans toute mise en cause de la responsabilité, civile ou pénale, des hébergeurs au regard des contenus fournis par des internautes. Droit à l’image, diffamation, injure, problèmes commerciaux sont autant de sujets pour lesquels les hébergeurs se retrouveraient automatiquement tenus responsables. Toute réforme du statut de l’hébergeur dépasse largement la question de la contrefaçon.

La liberté d’expression n’est possible notamment que grâce au régime actuel.

Ainsi, si les préconisations de ce rapport étaient suivies, la France se transformerait alors, sans coup férir, en un état liberticide. Est-ce ce que le gouvernement Français souhaite ? Les citoyens Français sans aucun doute non.

Enfin, alors que le financement par d’autres acteurs est clairement évoqué, l’ASIC s’étonne de l’absence de toute référence à la participation des acteurs de l’internet communautaire au financement de la culture. En effet, il convient de rappeler qu’en matière de financement de la culture, deux méthodes coexistent: le préfinancement, sous la forme de perception de taxes et/ou d’acquisition de droits de diffusion et le financement “ex-post”. Ces deux modèles économiques de la Culture cohabitent actuellement. Contrairement aux idées reçues, l’ASIC souhaite rappeler que les hébergeurs de vidéo, par exemple, contribuent d’ores et déjà au financement de la création en reversant, à un niveau sans précédent, une quote-part des revenus publicitaires aux ayants droit ou via des accords volontaires conclus avec des sociétés de gestion collective. Plus de la majorité des revenus sont ainsi reversés aux créateurs et ayant droits.

A ce jour, il convient de noter que rares sont les acteurs à reverser plus de 50% de leur chiffre d’affaires au profit du financement de la culture. Même la part des taxes versées par les fournisseurs d’accès à l’internet et les opérateurs de télécommunication n’atteint pas ce pourcentage.

C’est pourquoi, l’ASIC conteste fortement l’idée selon laquelle les acteurs de l’internet ne contribuent pas au financement de la culture et demande que soit sacralisé le fait que le statut de l’hébergeur n’empêche pas d’apporter la plus forte contribution au financement de la création.

 

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En conclusion, l’ASIC considère que le Gouvernement français se doit de préserver le statut de l’hébergeur, toute remise en cause n’ayant pour effet que d’imposer une censure généralisée des contenus diffusées sur l’internet et pourrait jeter un discrédit sans précédent sur la France.

Commentaires de l’ASIC au CSPLA, Novembre 2014