L’ASIC s’inquiète des effets de bord de cette décision demandant aux intermédiaires techniques de décider ce qui doit ou non être accessible.
Paris le 16 mai 2014 – L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC), fondée en 2007 et qui regroupe les acteurs de l’internet communautaire, se félicite de la reconnaissance par le droit européen d’un droit à l’effacement mais s’inquiète de l’absence de limites précises fixées par la Cour de Justice de l’Union européenne.
En effet, à l’occasion de cette affaire, la CJUE a reconnu que toute personne mentionnée sur une page avait, sauf motif légitime tenant par exemple aux activités publiques de celle-ci, la possibilité de demander la suppression de liens menant à cette page depuis tout moteur de recherche et plus généralement depuis tout service donnant accès à un contenu.
Si cette décision tend a reconnaître, de manière importante, un droit a l’effacement de données nominatives diffusées sur Internet, elle crée cependant un précédent dont la mise en oeuvre pratique pourrait aboutir à généraliser une atteinte à la liberté d’expression.
En effet, l’acte de déréférencement qui serait ainsi opéré ne concernerait pas la seule mention des informations personnelles de la personne, mais bien l’intégralité de la page. Un internaute souhaitant effacer un commentaire situé sur une page aura pour effet de supprimer toute référence à cette page. Celle-ci disparaîtrait donc des moteurs de recherche à tout jamais. Que la page incriminée soit consacrée à une personne, que cette personne y soit citée, quelle y soit évoquée ou même qu’elle y ait contribué, le résultat sera toujours le même : la page sera purement et simplement retirée de tous les index existants.
« Imaginerait-on qu’une bibliothèque soit tenue d’arracher la page d’un livre en raison de la mention d’une personne en note de bas de page alors qu’elle y figure en toute légalité ? C’est pourtant ce que demande la Cour de justice de l’Union européenne aux acteurs de l’internet ! », déclarent les dirigeants de l’ASIC.
Cela pourrait aboutir à des effets de bord dangereux. Ainsi un internaute ayant régulièrement contribué sur un site, par exemple en postant des commentaires sous des articles de presse ou dans des forums, pourrait du jour au lendemain demander la suppression totale de ce site de tous les moteurs de recherche du simple fait de son apparition sur chacune des pages du site internet.
En outre, la CJUE fait des moteurs de recherche des juges de la légitimité de ces retraits. Alors que la Cour fixe un certain nombre de limites à l’exercice de ce nouveau droit à l’effacement, elle demande en parallèle à des intermédiaires techniques de se faire juge et donc de décider ce qui devra ou non disparaître. L’absence de tout contrôle préalable par une autorité indépendante, magistrat ou autorité administrative, constitue une perte importante de garde-fous surtout au regard de contenus qui ne sont pas illicites.
Enfin, la CJUE aggrave la situation en refusant tout principe de subsidiarité et en n’imposant pas aux personnes de s’adresser, en premier lieu, à l’éditeur du site pour retirer toute donnée personnelle les concernant et ainsi éviter de faire sombrer le contenu dans l’oubli.
En conséquence, l’ASIC s’inquiète des conséquences de cette décision. Elle appelle le Gouvernement français à prendre en compte les effets collatéraux de cette décision à l’occasion du débat sur le projet de règlement européen sur la protection des données personnelles. Tout en consacrant un droit à l’effacement, le futur règlement européen doit prévoir un principe de subsidiarité afin que les intermédiaires ne soient pas érigé en arbitres entre protection des données et préservation de la liberté d’expression.