Paris, le 7 avril 20016 – Après s’être émue du projet de réforme de la directive « droit d’auteur » par la Commission européenne en septembre dernier, l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) se réjouit des efforts du Parlement européen pour réorienter le débat vers une réforme progressiste. Le récent projet de rapport parlementaire de Therese Comodini Cachia (PPE) est un pas de plus dans la bonne direction.
Alors que le projet initial de la directive sur les droits d’auteur ébranle deux des principes originels de l’Internet (la liberté de lier et le statut des hébergeurs), le rapport de la rapporteure Therese Comodini Cachia reflète une vision moins poussiéreuse du droit d’auteur où le web demeure un espace de création et de liberté.
Le lien hypertexte préservé
L’ASIC se félicite tout d’abord que Therese Comodini Cachia ait supprimé la création d’un droit voisin pour les contenus de presse de son rapport parlementaire. Dans la version de la Commission, les éditeurs de presse en ligne pouvaient demander rémunération pour tout usage numérique de leurs contenus, qu’il s’agisse d’un extrait ou un simple partage sur les réseaux sociaux. Le lien hypertexte constitue aujourd’hui la richesse de l’Internet. Instaurer une possibilité d’opposition à sa mise en place vers un contenu accessible publiquement reviendrait à détruire ce qui fait l’intérêt même de ce média, sa capacité à apporter du contexte. L’ASIC avait déjà alerté sur les effets dévastateurs d’une telle mesure qui ne résout pas les problèmes financiers des éditeurs de presse et contrevient à l’idée même de l’Internet en empêchant l’accès aux contenus par les internautes. Les premiers pénalisés seraient évidemment les internautes européens.
Le statut des hébergeurs toujours en danger
Dans la version de la Commission, les hébergeurs se devaient de monitorer et filtrer les contenus transitant par leurs services en contradiction totale avec la directive e-commerce. Le texte initial ne s’arrêtait pas à ce qui a été mis en place volontairement depuis près de dix ans par les hébergeurs membres de l’ASIC comme Dailymotion et YouTube – à travers les contrats conclus en France avec la SACD, la SACEM, la SCAM et l’ADAGP… et l’adoption de systèmes de reconnaissance de contenus type (Audible Magic, Signature ou Content ID…) – mais allait plus loin et prévoyait une obligation de « prévenir la disponibilité des contenus » sur ces plateformes. Même si le rapport de Therese Comodini Cachia va dans le bon sens en retirant ces obligations, il ne lève malheureusement pas encore certaines ambigüités, notamment concernant « l’implication active et directe » des plateformes dans la « mise à disposition au public de contenu téléchargé par l’utilisateur ». L’ASIC estime que le statut d’hébergeur ne doit pas être fragilisé par des obligations de filtrage systématique qui contreviendraient aux libertés des internautes sur le web et nuiraient aux nouvelles formes de création.
Par ailleurs, l’ASIC, dont plusieurs des membres évoluent dans le domaine des échanges de biens physiques, souhaite attirer l’attention sur l’impossibilité pratique pour ces opérateurs, qui ne détiennent les produits à aucun moment du processus de transaction, de juger avec certitude de leur légalité. Ces plateformes s’appuient sur la description dont l’utilisateur fait de son bien (le plus souvent d’ailleurs, il l’écrit et prend l’objet en photo lui-même), c’est pourquoi le système actuel fait la part belle à l’ayant-droit lors de procédures classiques de notification et suppression (notice-and-take-down).Une telle remise en cause du statut d’hébergeur obligerait nécessairement ces plateformes de biens à effectuer des blocages préventifs d’annonces, qui pourraient s’avérer être parfaitement légales. Déjà aujourd’hui, les mécanismes de notification sont dans certains cas utilisés à mauvais escient, par exemple par un concurrent ou fournisseur de l’offreur qui outrepasse ses droits. A cet égard, on ne peut s’attendre à ce que l’intermédiaire prenne le rôle du juge. De la même manière, on ne peut se restreindre à envisager l’hébergeur comme un acteur purement « passif », à l’heure où il est dans l’ADN même de ces plateformes d’offrir de la visibilité à leurs utilisateurs, et des services complémentaires tels que la traduction ou la livraison ; des offres qui permettent d’ailleurs à des milliers de PME françaises et européennes de rester compétitives face aux grands distributeurs et dans l’arène commerciale mondiale. Il s’agit du véritable cœur de l’initiative Marché Unique Numérique, et le pénaliser revient à bloquer les services qui s’efforcent de générer le succès de leurs utilisateurs. Si le rapport de Madame Therese Comodini Cachia ne met donc pas le statut d’hébergeur à l’abri du danger, il a le mérite d’ouvrir des pistes alternatives pour protéger un tant soit peu les intérêts des internautes.
L’ASIC apporte donc son soutien aux propositions formulées par Therese Comodini Cachia qui redonnent du sens au projet législatif de la Commission. L’ASIC souhaite néanmoins que les dernières ambiguïtés de formulation de ce rapport soient levées. Les dirigeants de l’ASIC appellent enfin les autorités françaises à revoir leur position et à se rappeler des ambitions initiales de la démarche dans laquelle se situe le projet de directive : il s’agit de constituer un marché unique numérique – et non pas de le réduire à néant avant même qu’il n’existe, au détriment notamment de milliers de TPE-PME françaises du e-commerce…