L’ASIC, Syntec Numérique et TECH IN France tiennent à exprimer leur soutien à la lutte contre la haine en ligne et au principe d’une réglementation responsabilisant les acteurs et protégeant les victimes. Toutefois, les organisations s’interrogent sur la pertinence d’un texte ciblant désormais un périmètre beaucoup plus large d’infractions au risque de compromettre son application.
Un périmètre étendu qui compromet l’application du texte
En effet, l’article 1er de la proposition de loi qui proposait initialement d’imposer aux opérateurs de plateformes à fort trafic, selon un seuil déterminé par décret, de retirer ou rendre inaccessible, dans un délai maximal de 24 heures après notification, tout contenu comportant manifestement une incitation à la haine ou une injure discriminatoire à raison de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, intègre désormais les moteurs de recherche dans son périmètre et introduit des infractions supplémentaires qui ne correspondent plus à l’ambition initiale de lutter rapidement contre la haine en ligne et protéger les victimes de ce phénomène.
Les nouvelles infractions, alignées sur le périmètre de la LCEN, comprennent par exemple le harcèlement sexuel, la traite des êtres humains, le proxénétisme, la mise à disposition des mineurs de contenus pornographiques ou encore l’apologie du terrorisme etc. Cette extension du périmètre du texte ne correspond pas à l’ambition initialement affichée de lutter plus explicitement et efficacement contre les propos manifestement haineux sur internet. En outre, son exhaustivité nuirait très probablement au traitement des infractions initialement visées. Il est ainsi nécessaire de définir un champ d’application suffisamment précis et qui tienne compte de la diversité des modèles économiques du secteur numérique.
« Contenus gris » : le risque de conférer des responsabilités exorbitantes aux plateformes
Une telle exhaustivité viendrait enfin considérablement densifier les « contenus gris » pour lesquels les plateformes souhaitent un accompagnement au risque de se voir imposer des responsabilités exorbitantes vis-à-vis des contenus et de la liberté d’information, d’autant plus exorbitantes que le délai de retrait est très court (24h) et que les moteurs de recherche y sont intégrés. TECH IN France, Syntec Numérique et l’ASIC saluent donc la proposition de création d’une instance indépendante permettant d’accompagner les plateformes en ligne, notamment dans la caractérisation « des contenus gris » qui posent des problèmes d’interprétation.
Sanctions : trouver un meilleur d’équilibre avec les moyens des plateformes
Enfin, la proposition de loi prévoit que le CSA pourra infliger une sanction aux plateformes numériques à hauteur de 4% du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, là où d’autres réglementations européennes ont retenu une amende forfaitaire. Les organisations professionnelles s’inquiètent de la détermination arbitraire du plafond de cette sanction qui ne se corrèle ni à une finalité économique comme dans le cas du RGPD, ni à une réalité géographique cohérente (CA mondial), ce qui présente de nombreux risques juridiques susceptibles de fragiliser le texte et qu’il soit déclaré contraire à la Constitution. En outre, le texte est encore trop imprécis sur le fondement et prévoit que le CSA « peut prendre en considération la gravité des manquements commis et, le cas échéant, leur caractère réitéré. »
Pour toutes ces raisons, les organisations du numérique s’interrogent sur l’efficacité du texte pour lutter contre la haine en ligne, au profit d’une réglementation plus étendue, qui risque paradoxalement d’offrir moins de protection aux citoyens qui en ont pourtant le plus besoin. Elles soulignent que la démarche française en matière de lutte contre la haine sur internet devrait être harmonisée ou, a minima, coordonnée avec celles des autres Etats membres de l’Union européenne, afin de veiller à la cohérence entre les textes actuellement discutés au niveau européen et ceux déployés au niveau national.